.
Accueil » Famille, Culture et Éducation » Dans le combat "Maintien de la mobilisation des femmes-héros vs. Pandémie" : Femmes 1 – Corona 0

Dans le combat "Maintien de la mobilisation des femmes-héros vs. Pandémie" : Femmes 1 – Corona 0


Des enfances parfois secouées, une trajectoire migratoire souvent difficile, des montagnes de responsabilités sur les épaules, la pandémie aurait dû se douter qu’elles n’en resteraient pas là. Ces femmes, mais quelles femmes ?

En quête d’une réflexion toujours plus large & inclusive sur la question du genre et plus précisément sur celle de la place de la femme dans nos sociétés passées ou présentes, le CPCP ne se laisse pas faire par ce satané coronavirus 2.0.

En effet, nous aurions pu commencer, comme bien des publications en 2020/1, à énumérer tous les obstacles que Mister Corona aura réussi à placer sur la route de nos projets collectifs et de terrain.

Il n’avait peut-être pas prévu une chose ! La capacité des sociétés à se réinventer. S’il avait fait un peu d’histoire il saurait…

Aujourd’hui plus que jamais (et même si parfois à bout de souffle) des gens (tous, même ceux sans ordinateurs) sont prêts à mettre leur énergie dans l’acquisition d’outils leur permettant de continuer à faire place dans la société en la pensant, en la questionnant et en l’imaginant !

Que ça soit au téléphone, au détour d’une réunion sur les plateformes numériques ou derrière un plexi, la lutte ne s’arrête pas. Que ça soit en 2020 ou en 2021 il nous faudra encore penser, aménager, rêver la place de cette femme qui a toute la force nécessaire pour mettre un K.O. à ce corona 2.0.

La femme, cette catégorie essentialisée qui peut prendre mille formes.

Mille formes allant de celle qui militera corps (seins nus parfois) et âme pour défendre son droit à la liberté voyant en cela un moyen de se dégager des pressions patriarcales, celle aussi qui au nom de cette même liberté protégera son droit à définir elle-même ce qu’elle entend par liberté.

Mille formes parce qu’il existe aussi cette femme qui venant d’ici ou d’ailleurs, de l’autre côté de la planète ou tout simplement du détroit de Gibraltar fera entendre sa voix, celle qui s’autorise enfin à partager une conception personnelle de ce qu’engage pour elle une lutte féministe.

C’est cette même femme qui accueillie (ou pas !) sur le continent des droits de l’Homme se rendra compte que le H d’homme n’est pas si grand, et que le mot droit semble parfois raisonner comme devoir.

Un devoir qui l’obligerait à devenir la femme attendue par la pensée féministe blanche admise dans cette terre d’asile.

Aujourd’hui, les subalterns studies1 sont passées par là mais est-ce suffisant pour que l’altérisation produite depuis tellement d’années n’impacte pas la façon dont elles s’autorisent à prendre la parole ? Le féminisme euro-centré ne se transpose pas, il se redéfinit. Il doit se laisser la possibilité de cohabiter avec un féminisme que certains appelleront décolonial, que j’appellerais plus simplement culturel. Parce que si j’ai grandi en Guinée ou au Maroc, si j’ai 12 ou 42 ans, si mes parents étaient cadres ou ouvriers, si j’ai voyagé physiquement ou spirituellement ma façon d’envisager la place de la femme que je suis sera différente.

Des signaux rassurants d’ouverture à ce qu’on classe dans l’ensemble des luttes féministes sont à relever cependant. Des appels explicites qui ne laissent pas place à l’interprétation ou la projection. Nous n’en citerons que quelques-uns, leurs choix auront été fait au travers d’initiatives qui auront profondément touchés un groupe plus spécifique de femmes avec qui le CPCP travaille en partenariat avec la Maison de Femme, le GAFFI.

Ces femmes font partie des combattantes que la Belgique a la chance d’avoir sur son territoire. Elles sont un petit groupe qui, malgré la covid-19, malgré le peu d’outils numériques à la maison, malgré les milles responsabilités qu’elles portent sur leurs épaules, malgré la classe "femmes soumises" dans laquelle elles se sentent être mises parfois ont décidés d’être au monde. Avec un GSM désuet, des enfants à la maison, des suivis administratifs les obligeant à redéfinir leur quotidien en permanence elles ont décidé de continuer à penser/panser leur rôle de femme.

Au cours de ces derniers mois, elles auront décidé de prendre part à chaque évènement qui a fait sens pour la lutte de leurs droits, mais aussi du combat pour que leurs propres filles puissent exister dans ce monde avec leurs propres codes culturels mais aussi ceux partagés par la Belgique. Pour que demain, elles puissent avoir un travail sans se sentir discriminées par leur couleur de peau ou leur accent, que leurs filles puissent accéder aux études dont elles rêvent avec ou sans un voile, que leurs fils intègrent leur rôle de futur homme en incluant le respect de la femme ou encore que l’opinion publique et les politiques leurs donnent plus de visibilités.

C’est pour toutes ces raisons que l’année 2020/1 n’aura pas été totalement dé-mobilisante, parce ces femmes seront sorties de chez elle – sous la pluie et à l’aube d’une pandémie naissante – pour faire entendre leurs voix le 8 mars. Mais aussi parce qu’elles se seront levées avec leur masque pour participer à la manifestation "hijabis fight back" du 5 juillet ou encore que même confinées, elles se seront intéressées à l’opération Tunn-Elle au travers de laquelle elles auront pu rencontrer d’autres combats de femmes allant de celui de Sémira Adamu, à Rosa Parks en passant par Marguerite Yourcenar.


1 Études centrées sur les classes subalternes et non les élites.

Un article de Maïa Kaïss, animatrice EP en Famille, Culture et Éducation - kaïss@cpcp.be