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Dis-moi dans quel quartier tu habites, je te dirais qui tu es ?

Regards croisés de quartiers à Namur : Les quartiers s’exposent


Après un long moment d’arrêt de nos ateliers à la suite de la crise sanitaire, le gouvernement nous autorisait, en mars 2021, à organiser de nouveau des activités en extérieur. Lors de la pandémie COVID-19, les habitants ont pris conscience de l’importance de leur environnement proche dans leur vie, leur équilibre... En effet, lors de cette période si singulière, beaucoup d’entre nous avons redécouvert notre quartier, nos voisins…

Rapidement, certains comités de quartiers de Namur collaborant depuis plusieurs années avec le CPCP (Germinal, Petit Ry-Amay, Basse-Enhaive, Plomcot, Saint-Nicolas et les Balances) ont souhaité se retrouver, échanger… autour de balades photographiques. L’objectif principal était de réfléchir et partager sur l’image de leur quartier afin de la confronter à celles des autres habitants.

En s’appuyant sur cette méthodologie originale, les groupes ont arpenté avec enthousiasme leur quartier, appareil photo à la main, en scrutant les moindres détails à valoriser. Au détour d’un parc, le long d’une piste cyclable, etc., les yeux des participants se rééduquent progressivement à observer leur quartier. Tantôt fiers, tantôt surpris, tantôt réalistes…, ils choisissent avec leur sensibilité, leur mémoire, leur humilité...les photographies qui représentent au mieux leur lieu de vie. Ces promenades ont pu démontrer une utilisation trop fonctionnelle, pragmatique, presque mécanique de leur espace public en temps normal. Ainsi, une participante aux ateliers témoigne : « D’habitude, on ne prend pas assez le temps, de regarder les choses qui nous entourent. »

« Le but de la photographie est de révéler l’amour que l’on éprouve en une seule image ». (Nothomb, A. (2012). Barbe bleue (p. 41). Albin Michel.

Mais, comment se construit l’image que l’on peut avoir d’un quartier ? Nourri par ses cinq sens, l’être humain façonne ses représentations bien au-delà du visuel. Par exemple, certains lieux sont associés à des odeurs, des bruits… C’est ainsi que clairement, la diversité des photographies sélectionnées par les habitants souligne à quel point les éléments fondateurs, emblématiques, fédérateurs d’un quartier peuvent être protéiformes. Il est donc important d’encourager la conservation et la diversité de ces éléments ; tels que les bâtiments historiques, les statues, les espaces verts, l’eau, les espaces de rencontres et d’expression culturelle, les réalisations participatives, les personnalités…

Néanmoins, sans un travail en profondeur, ces éléments peuvent se construire sur des préjugés, des stéréotypes, des généralités, ou encore une méconnaissance des lieux. Pour preuve, lors des ateliers beaucoup de participants ont mentionné à quel point il redécouvrait les quartiers de Namur sous d’autres angles de vue.

Un processus identitaire co-construit                                                     

Le projet se déroule en trois temps :

-           Phase de réappropriation.

Comment souhaite-t-on se présenter en tant que quartier ? Cela représente une opportunité pour les participants de prendre le temps de redécouvrir les lignes de force de leur quartier, mais aussi des endroits plus méconnus, confidentiels, insolites… et ce, même pour les plus anciens habitants ! Moment introspectif et collectif, cette première étape demeure indispensable à la construction d’une identité territoriale actualisée. C’est l’occasion de se réapproprier son image, de se réinterroger.

-           Phase de confrontation.

Comment les autres quartiers nous perçoivent-ils ? Partie la plus sensible, elle est l’instant de pas mal de préjugés, de stéréotypes, de généralisation… Preuve en est que les représentations de ces quartiers manquent encore de finesse, d’objectivité et d’échanges d’information.

Même si c’est avec bienveillance et réalisme que les autres quartiers ont exposé leurs impressions ; cette mise à nu de son lieu de vie a pu s’avérer très inconfortable, voire irritante pour certaines personnes. Ce travail reste donc délicat et sensible, car il touche au plus profond à l’âme d’un quartier et de ses habitants. Fondamentalement introspectif, le regard d’autrui va être parfois le miroir du regard que nous portons sur notre propre quartier. Quand bien même se dévoiler, s’exposer aux regards des autres demeure difficile, l’absence de regard se révèle probablement encore plus douloureuse pour ces habitants. Lors de cette phase, quelques éléments d’attention ont été mis en évidence par les groupes : les problèmes de circulation, le sentiment d’insécurité, le manque de propreté, des lieux froids et peu colorés, des bâtiments vétustes…

-           Phase de déconstruction/reconstruction.

S’attaquer aux divergences de perception de point de vue, c’est aussi reconstruire le dialogue entre les habitants des différents quartiers, et ainsi renforcer la cohésion sociale générale. Comment faire évoluer ces représentations ? Quelles solutions apporter aux problèmes identifiés ? Même si ce travail est encore en cours, les groupes mettent déjà en perspective des envies de projet. Par exemple, sous forme de visites ou de guides touristiques.

Si l’exercice collectif reste difficile, trop court, trop réducteur, parfois trop caricatural… il n’en demeure pas moins une opportunité de réfléchir, de renforcer une identité territoriale et sociale, quelquefois ébréchée. Entachés par de mauvaises réputations, certains quartiers souffrent de l’image qu’ils véhiculent malgré eux. Or, ces quartiers, trop peu visités, ont de réels atouts à mettre en avant. Ils sont aussi le théâtre de participation citoyenne, de solidarité et d’un dynamisme associatif reconnu sonnant comme une véritable invitation à s’y déplacer et à les découvrir. Enfin, les grands gagnants sont la curiosité de l’autre, la tolérance ainsi que le renforcement d’une fierté d’appartenir à un quartier. Ce témoignage d’une participante aux ateliers le montre bien :  « On n’a pas besoin d’aller loin pour voyager, car si l’on ouvre les yeux, on a tout à proximité ».

Les quartiers s’exposent !

À vos agendas ! Ce projet se poursuivra en 2022, notamment avec une exposition photographique en collaboration avec la ville de Namur où chaque quartier dévoilera sa sélection de photos le représentant au mieux dans sa diversité sociale, urbanistique, historique… Elle aura lieu du 4 au 7 mai 2022 aux Abattoirs de Bomel [Traverse des Muses 18, 5000 Namur].

Un article de Benoît Debuigne, responsable thématique Lieux de vie et Espace public - debuigne@cpcp.be