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Tiny House : premier permis d’urbanisme délivré en Région wallonne


En mars 2021, une habitation légère a reçu le précieux sésame : un permis d’urbanisme ! Une première ? Oui et non. Près de Tournai, deux yourtes ont déjà reçu un permis dans le cadre d’une exploitation en zone agricole. Mais dans ce cas précis, on parle bien d’une première en zone à bâtir au plan de secteur. Le cheminement légal se poursuit donc après la reconnaissance juridique de l’habitation légère dans le Code wallon de l’Habitat durable en 2019.

Cette reconnaissance est le fruit d’une étude juridique collaborative menée par les trois familles constitutives de l’habitat léger — les habitants en zone de loisir, les gens du voyage et les alternatifs — deux universités — Saint-Louis et l’UCLouvain —, des associations et le collectif Halé ! De manière plus générale, elle est le fruit d’un travail d’éducation permanente menée depuis plus de vingt ans par des habitants et des associations pour défendre la pertinence de leur choix d’habitation et pour défendre leurs droits.

Alternative peu chère, mobile et compacte, le confort de la tiny-house est simple mais efficace pour un coût avoisinant les trente mille euros en autoconstruction, hors frais d’architecte. Elle appartient à la famille de l’habitat léger qui comporte aussi la yourte, le chalet, la roulotte, le cabanon, le motor-home, le container, la péniche… Bref, à la famille des habitants qui (ré)inventent leur habitat.

Un contexte ottintois favorable

Ce projet de tiny-house s’inscrit dans le cadre de l’habitat groupé le Bois del Terre à Limelette existant depuis presque vingt ans. La motivation des habitants était double : (1) densifier l’occupation de leur terrain et (2) apporter du « sang neuf » dans la dynamique du groupe. Dans ce cas précis, l’habitat groupé a été un véritable terreau propice à l’arrivée de la tiny-house. Les nouveaux habitants ont été intégrés naturellement à la vie de la communauté. Ce qui se traduit par une contribution au chantier participatif mensuel, l’utilisation de la salle commune, et encore plein d’autres choses à construire. Le terrain a été mis à disposition par l’habitat groupé moyennant une participation forfaitaire d’environ 150 euros par mois.

Comme le souligne Vincent Wattiez, spécialiste de l’habitat léger au Centre culturel du Brabant wallon, le projet a bénéficié d’« un remarquable alignement des planètes ». Les différents acteurs autour de la table — porteurs du projet, habitants de l’habitat groupé, voisins, architecte, commune, Région — étaient tous mus par une véritable envie d’aboutir.

Il est désormais possible de s’installer légalement et de respecter les différentes règles en vigueur, et ce malgré des règles urbanistiques qui n’ont pas été pensées dans la perspective de l’habitat léger.

Si le permis d’urbanisme octroyé au projet du Bois del Terre est tout ce qui a de plus conventionnel, il convient cependant de souligner que celui-ci n’a été octroyé que pour une durée limitée de cinq ans renouvelable une fois. Cette temporalité rejoint, sûrement, la volonté d’une temporisation qui intégrerait d’éventuels changements juridiques dans les prochaines années. Elle est aussi l’expression d’une prudence des autorités communales et régionales en la matière. Les autorités ont en outre exigé que le permis soit signé par un architecte, et ce afin de s’assurer d’avoir un professionnel comme interlocuteur. Celui-ci a redessiné les plans de la tiny-house et de ses alentours ; les impacts écologiques et paysagers devant être limités et réversibles. Enfin, au niveau des impétrants, la tiny-house devait être reliée au réseau d’épuration de l’habitat groupé pour le traitement des eaux grises et noires. Il en va de même pour son raccordement électrique ainsi que son alimentation en eau directement reliés à la maison commune. Le chauffage de ce petit cocon est assuré par un poêle à bois.

Et demain ?

De manière générale, il y a encore un certain nombre d’éléments à faire évoluer en commençant par la représentation sociale et culturelle de cet habitat alternatif auprès des administrations, des politiques et du grand public afin de limiter l’effet NIMBY 1. Selon Vincent Wattiez, les pouvoirs locaux ont entamé un processus de « coming out » en la matière. Il faut espérer que ce processus n’exclut pas de facto un peu plus les « hors-cadres » et ne serve qu’une partie du public intéressé. Il est donc primordial de ne pas omettre dans les débats, ou autres textes, les premiers habitants de ces habitats légers : les gens du voyage et les habitants en zone de loisir. Sans cette attention toute particulière, nous assisterons probablement à une standardisation et une gentrification2 de l’habitat léger.

Avec ce premier permis d’urbanisme, il y a fort à parier que de nombreuses demandes vont être introduites auprès des différentes administrations durant les prochaines années. Même si de nombreuses questions restent encore en suspens, cette nouvelle avancée représente une belle opportunité sur laquelle vont pouvoir s’appuyer les candidats à l’habitat léger.

Photo prise par Stéphane Van den Eede habitant de l’habitat groupé du Bois del Terre.


1 NIMBY (Not In My BackYard) : « Acronyme tiré de l'anglais traduit par "pas dans mon arrière-cour" ou "pas dans mon jardin" ou "surtout pas chez moi". Le syndrome NIMBY désigne l'attitude fréquente qui consiste à approuver un projet pourvu qu'il se fasse ailleurs, ou à refuser tout projet à proximité de son lieu de résidence ». « NIMBY (Not In My Back Yard - Surtout pas chez moi) », Géoconfluences, octobre 2014, [en ligne :] http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/nimby-not-in-my-back-yard-surtout-pas-chez-moi, consulté le 8 mai 2021.
2 « La gentrification désigne des processus par lesquels des quartiers centraux, anciennement populaires, se voient transformés profondément par l’arrivée de nouveaux habitants appartenant aux classes moyennes et supérieures. Y. Fijalkow, E. Preteceille, cités par E.H. Siou, J. Blanck, « La gentrification : un phénomène urbain complexe et son utilisation par les pouvoirs publics », Citego, 2011, [en ligne :] http://www.citego.org/bdf_fiche-document-1492_fr.html, consulté le 8 mai 2021.

Un article de Benoît Debuigne, coordinateur EP Lieux de vie et Espace public - debuigne@cpcp.be