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Entre l’humain et la nature...

Mur naturel ou culturel ?

Analyse n°317 de Dounia Tadli - novembre 2017 Consommation durable


La calotte de glace en Antarctique perd en moyenne 7,8 millions de litres par seconde, 2 400 arbres sont coupés chaque minute, plus d’un million de kilos de CO2 sont émis dans l’atmosphère chaque seconde, le réchauffement climatique est responsable de près de 300 000 morts par an…2 La crise environnementale constitue sans aucun doute un défi majeur du XXIe siècle, et la planète ne manque pas de nous le rappeler à coup d’ouragans et autres catastrophes, n’en déplaise aux climato-sceptiques. Nous vivons même la sixième extinction de masse : des chercheurs ont calculé que la disparition des espèces a été multipliée par 100 depuis 1900, un rythme inédit depuis l’extinction des dinosaures (il y a plus de 60 millions d’années…).3 Par ailleurs, en novembre 2017, 15 364 scientifiques, issus de 184 pays, ont publié un manifeste pour attirer l’attention sur l’état dramatique de la planète, leur premier plaidoyer de 1992 n’ayant visiblement pas suffi à freiner la destruction de l’environnement.4

Dès lors, comment expliquer cette situation d’une urgence dramatique alors que, depuis le Néolithique, l’humain était parvenu à préserver la planète ? Jusqu’au XXe siècle, en contrepartie de ce qu’il prélevait sur la nature, l’Homme opérait des rituels qui garantissaient le respect de règles de gestion et de préservation des "ressources". Mais la globalisation de l’échange marchand semble y avoir mis fin…5 En ce sens, la crise environnementale ne révèle-telle pas une crise plus large du rapport que les Hommes entretiennent avec la nature ?

D’une certaine manière, l’usage même des mots "hommes" et "nature" postule d’emblée un mur de séparation nette entre les deux. Mais cette rupture, qui semble relever de l’évidence pour nous, n’est-elle pas davantage le fruit d’une construction culturelle ? La distinction entre une nature sauvage et une culture humaine et "civilisée" est-elle universelle ? La mise à distance entre l’humain et le reste de la nature ne facilite-t-elle pas l’exploitation de cette dernière, davantage perçue comme un ensemble de ressources plutôt qu’un vaste système auquel l’Homme appartient ? Les progrès éthologiques ou les avancées de la génétique ne remettent-ils pas en question ce mur érigé au sein de la pensée occidentale ? Les animaux, considérés comme des êtres de nature, n’ont-ils pas prouvé qu’ils possédaient un langage et même ce qui s’apparente à une "culture" pour certains ? Et quand on tente de chasser ledit "naturel" chez les humains civilisés, ne revient-il pas au galop ?

Nous commencerons l’analyse par la description de cette façon de voir le monde, entre nature et culture, que les anthropologues nomment "naturalisme". Les théories de certains penseurs occidentaux ont largement contribué à l’édification de ce mur occidental comme nous le verrons. La deuxième partie de la publication mettra en exergue le fait que, justement, la pensée naturaliste est construite et loin d’être universelle. Les fondations qu’elle pensait solides sont d’ailleurs en train de se disloquer dangereusement…

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1 J.-Ph. Pierron, « Au-delà de l’anthropocentrisme : la nature comme partenaire », Revue du Mauss, n°42, 2013, p. 45.
2 Voir https://www.planetoscope.com.
3 A. Garric, « La sixième extinction de masse des animaux s’accélère », Le Monde, 10 juillet 2017, [en ligne] : http://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2017/07/10/la-sixiemeextinction-de-masse-des-animaux-s-accelere-de-maniere-dramatique_5158718_1652692.html#A4dwPcQJFpxC7zcf.99, consulté le 9 novembre 2017.
4 W.J. Ripple, et al., « Le cris d’alarme de quinze mille scientifiques sur l’état de la planète », Le Monde, 13 novembre 2017, [en ligne :] http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/11/13/le-cri-d-alarme-de-quinze-mille-scientifiques-sur-l-etat-de-la-planete_5214185_3244.html, consulté le 13 novembre 2017.
5 É. Sabourin, « La réciprocité homme-nature et les dérives de son abandon », Revue du Mauss, n°42, 2013, p. 247-260.


Dounia TADLI est titulaire d’un master en anthropologie, spécialisée dans les relations humains-environnement.

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