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Publications


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Les labels

entre crédibilité et marketing

Analyse n°329 de Karin Dubois - juin 2018

Il y aurait dans le monde, 431 écolabels répartis sur 246 pays.1 Rien qu’en Belgique, le consommateur est confronté à une pléthore d’estampilles en tout genre, que ce soit dans le domaine de l’alimentation ou dans celui des vêtements, des appareils électro-ménagers, des cosmétiques, des produits d’entretien, etc. Dès lors, comment s’y retrouver ? Que signifient-ils ? Et surtout quel crédit leur accorder ? En 2016, le CPCP s’était déjà penché sur la question dans une publication intitulée Bio, local, équitable, comment choisir sa consommation durable ? pour accompagner le consommateur dans sa volonté d’être plus responsable et de minimiser son impact sur le plan environnemental. Cette publication avait notamment pour mérite d’expliquer le système de certification des labels environnementaux en signalant bien que les labels nationaux et supranationaux (initiés par un ministère ou la commission européenne) ne sont pas forcément plus contraignants et rigoureux que certains labels de type "auto-déclaration environnementale"2. Nous ne reviendrons donc pas ici sur ces explications. Cette fois, nous allons plutôt étendre notre analyse à toute cette inflation de labels qui fleurissent sur des biens de consommation courante. Parce que ce qui devait, au départ, être un signe distinctif pour aider le consommateur à effectuer un achat qui a du sens (préserver sa santé, favoriser le développement durable, le bien-être animal et les droits du travail à travers le monde) est aujourd’hui corrompu par l’émergence de labels improbables ou d’illustrations qui y ressemblent étrangement. On sait que le consommateur avisé est prêt à payer un peu plus pour un produit responsable. Alors, tous les coups sont permis ! Même le flouer avec des arguments marketing sans fondements valables et rigoureux. De toute façon,qui ira vérifier s’il s’agit d’un label sérieux ou s’il s’agit de greenwashing quand ce n’est pas du fair washing ? Qui a le temps de le faire ? Nous devions nous pencher sur la question car le risque est, à terme, de voir les mauvais labels chasser les bons et tous ces consommateurs se détourner des produits qui en valent vraiment la peine. Et pour faciliter la lisibilité de cette publication, nous avons pris l’option d’accoler un code couleur (sous forme de feu de signalisation) à chaque label. Nous apposerons : un feu vert aux labels dont les critères nous semblent rigoureux, relativement complets (la perfection n’existe pas dans ce domaine) et cohérents par rapport à la philosophie et à l’enjeu soulevé. Et pour lesquels le système de certification nous paraît crédible et sérieux ; Un feu orange aux labels qui vont dans le bon sens sur un plan philosophique mais dont les critères ne sont pas suffisamment exigeants et cohérents et/ou pour lesquels des questions persistent quant à la qualité du contrôle ; Un feu rouge aux labels qui relèvent du pur marketing et dont le but est de tromper le consommateur sur les véritables intentions des producteurs qui les ont conçus. Enfin, nous avertissons nos lecteurs que nous ne ferons pas le tour du monde des labels. Nous ne sélectionnons que ceux qui apparaissent sur les produits de consommation les plus courants dans les magasins en Belgique. Nous omettons donc expressément le monde bancaire, le tourisme et d’autres secteurs. D’autant plus que le monde des labels est en perpétuelle mutation. Certains apparaissent, d’autres sont oubliés, les existants modifient leurs critères d’attribution. Bref, nous ne pourrons jamais être exhaustifs et rigoureusement précis sur le sujet.


Alimentation low cost

Le prix à payer

Analyse n°328 de Dounia Tadli - avril 2018

À la fin du mois de janvier 2018, une foule agitée s’engouffre dans un Intermarché. Certains sont encore engourdis par la longue nuit hivernale passée devant le bâtiment. Bousculades, cris, altercations… Ce qui aurait pu être un happening visant à dénoncer la société de consommation n’en est qu’une triste illustration. La chaîne de distribution a lancé, dans plusieurs de ses magasins français, une promotion "immanquable" : des pots de Nutella (950 grammes) à 1,41 euro au lieu des 4,70 euros habituels, soit une réduction de 70 %. S’en sont suivies émeutes, voire bagarres avec interventions des forces de l’ordre.1 Un événement de la sorte interpelle. Dans quel genre de société les citoyens en viennent-ils aux mains pour accéder à un mélange douteux d’huile de palme et de sucres visant à le rendre dangereusement attractif pour les papilles, à un prix promotionnel tout aussi inquiétant que sa composition ? Alors que le Nutella a mauvaise publicité2, une telle promotion ne vise-t-elle pas sournoisement les publics défavorisés, trop contents de pouvoir, pour une fois, goûter à ce pur "bonheur à tartiner" ? Dans notre dernière publication, nous montrions que la consommation alternative au système dominant pouvait constituer un moyen de distinction pour certains individus issus de la classe dominante.3 En expliquant les mécanismes menant au malaise de nos publics d’éducation permanente se rendant à des réunions de "Transition", nous mettions en avant les aspects plus culturels et sociaux, laissant de côté les facteurs économiques. Manger autrement n’est, effectivement, pas qu’une question d’argent : temps et énergie disponibles sont indispensables à ces pratiques (se procurer des produits frais et locaux, les cuisiner, participer à des réunions de Transition…). Mais à l’image des émeutes pour la plus célèbre des pâtes à tartiner, il nous semble qu’une réflexion autour du prix de l’alimentation ne peut être éludée. Le frein financier est effectivement régulièrement abordé dans nos ateliers d’éducation permanente en consommation durable : Manger sain, c’est cher (...). Ça demande une énergie. Si tu ne veux pas changer tes habitudes, c’est cher. Participante, Liège, 2018 Les participants se sentent coincés. Ils n’ont pas le choix, les moyens financiers, ni les moyens de transport. Animatrice CPCP, Dour, 2016 Toutefois, il est intéressant de mettre ces propos en perspective avec les paroles d’un agriculteur : "Le cher et le pas cher, ça se discute. Il faut comparer des choses comparables et surtout ne plus dire simplement 'cher' mais 'trop élevé par rapport à ce que je peux – ou veux – mettre…' ".4 Les intérêts des uns et des autres sont compréhensibles : les mangeurs cherchent à consacrer une part de budget jugée raisonnable dans leur alimentation, tandis que les producteurs désirent légitimement être rémunérés correctement pour leur travail. Manger des produits sains, locaux, vides d’intrants et remplis de sens, coûte-t-il nécessairement plus cher ? L’alimentation low cost ne fait-elle pas l’économie dangereuse de la prise en compte des externalités négatives ? Finalement, quels mécanismes influent sur la fixation d’un prix, aux niveaux public et privé ? Nous tenterons d’esquisser une réponse à ces questions en remettant en perspective notre perception du prix de la nourriture, sans toutefois réaliser une étude économique poussée qui dépasserait le cadre de la présente publication. En commençant l’analyse par une remise en contexte du rapport contraignant à la nourriture, de la globalisation économique ainsi que du danger de la financiarisation des matières premières, nous montrerons à quel point les prix se sont détachés de la valeur réelle des aliments. Les prix bradés masquent également une série de subventions, notamment à travers la Politique agricole commune (PAC), ainsi que des jeux de négociations (inégales) par le secteur privé, comme nous le verrons dans le second point. Nous montrerons finalement que cette alimentation à première vue low cost cache une série d’externalités négatives – environnementales, sanitaires, sociales, mais aussi éthiques – non prises en compte.


Sexe hors-la-loi !

Faut-il reconnaître un troisième sexe en Belgique ?

Étude n°25 de Raïssa M'bilo - mars 2018

L’identité est devenue de plus en plus complexe et compliquée de nos jours. Les problèmes identitaires nous explosent à la face tant les repères, les frontières et les limites s’effacent, se redessinent à une vitesse vertigineuse. Liberté, tolérance et peur modèlent, tissent et défont à leur guise le vivre-ensemble. Ce fameux vivre-ensemble à la fois profession de foi et lettre morte. La communauté, de plus en plus hétéroclite, tend à imploser entre progressismes, radicalismes et conservatismes. Face à l’ouverture ou à la disparition de certaines frontières, un million de microcosmes hermétiques se créent et se renforcent. Entre les questions de religion, d’intégration, de migration, de justice sociale et d’égalité, d’autres identités s’imposent enfin à la table des débats publics pour arracher, elles aussi, leur part de reconnaissance. Il s’agit des questions de genre. De ces genres qui transcendent les identités masculines et féminines qui sont en tête d’affiche des chroniques actuelles tentant d’achever une bonne fois pour toutes les dérives d’un patriarcat essoufflé. Entre scandales sexistes et revendications transsexuelles, peut-être une brèche s’ouvre-telle pour enfin parler des personnes intersexuées. Ces questions me bousculent en 2014. Sur les chaînes françaises, des chroniqueurs provoquaient l’audimat, assumant leur étiquette de réactionnaires. La provoc semblait avoir changé de camp alors que le politiquement correct et la bien-pensance étaient devenus, à mes yeux, l’apanage des gauchistes en pleine lune de miel médiatique. C’est le tôlé en France quand le gouvernement Valls propose l’abécédaire de l’égalité : il est accusé d’être le cheval de Troie de lobbies gays qui tentent d’infiltrer les écoles avec une théorie du genre aussi fumeuse que scandaleuse. Moi, je regarde ces débats, ces marches contre le mariage pour tous qui, dans la foulée, ont jeté de l’huile sur le feu dans le pays voisin. Mais qu’en est-il de notre pays ? Si la Belgique semble progressiste sur beaucoup de sujets, notamment le mariage homosexuel et les questions trans, d’autres pays ont pris plus rapidement le taureau par les cornes concernant une idée de troisième sexe. Mais quel est-il, ce troisième sexe ? Je ne sais pas si mon environnement familial me prédisposait à me reconnaître dans ceux qui condamnaient la théorie du genre, de prime abord. Il y a sûrement de grandes chances. Le fait est que, regardant tout cela du pays voisin, j’étais indignée moi aussi. Comment ? On veut supprimer les sexes ? Comment ? On veut apprendre aux garçons à uriner assis ? C’était un beau capharnaüm, y compris dans ma tête. Dans ma famille de trois filles sur quatre enfants, autant dire que les hommes sont minoritaires. Jamais nous n’avons eu de limites quand on envisageait nos carrières respectives : nous pouvions tout devenir. Par contre, c’était autre chose pour les sorties, pour les relations intimes. Je ne pouvais pas faire un tas de choses, poser d’une certaine façon, parce que j’étais une fille. Le genre a toujours été présent dans mon éducation et la limite très nette. Bien sûr, j’étais un garçon manqué et je portais autant de baskets boueuses que je n’avais de voiturettes, mais plus tard, je me rends compte que le simple fait de me considérer comme un garçon manqué pour cela est encore une marque de conception genrée. J’ai eu tout le mal du monde lors de mes premières lectures à ce sujet. Ce que disait Butler me semblait être du charabia. C’étaient des idées à mille lieues de ce que je pouvais comprendre, un vocabulaire totalement inconnu, et encore aujourd’hui, non maîtrisé. En cours d’éducation sexuelle, lorsque j’avais treize ans ou encore en cours de biologie, j’avais appris la différence entre un homme et une femme, la manière dont nous, pré-pubères acnéiques, allions nous développer et nous reproduire. Ça semblait évident, ça l’a été tout le long. J’ai appris à mettre des préservatifs lors de modules de prévention, alors que je n’avais encore jamais embrassé qui que ce soit si ce n’est mon cousin à l’âge de cinq ans. Le monde était binaire et l’a été tout le long. Ça me semblait déjà bien assez compliqué comme ça. Je n’ai jamais appris ces choses que je découvrais en lisant Anne Fausto-Sterling. Le genre, le sexe, c’était l’inconnu total. Et il faut le dire, les questions LGBT étaient noyées et confondues dans cet acronyme fourre-tout. Homosexuels, transsexuels, drag queens, travelos, gouines, hermaphrodites. Tous les mêmes, pensais-je. Et je ne m’y intéressais pas suffisamment pour apprendre à distinguer. Aurait-il fallu qu’on me l’apprenne ? Ce n’est pas pareil pour tout le monde : certains sont sensibilisés dès leur jeune âge à ce sujet, tandis que d’autres meurent sans n’y jamais rien comprendre. Cette étude est d’abord un voyage dans l’inconnu, je ne suis pas une experte des questions de genre. Mon but ici n’est pas d’éduquer à ce sujet, mais de pousser à cette démarche. Du moins, dans la première partie de cet exposé. Savoir distinguer une personne intersexuée, d’une personne transsexuelle ou transgenre ou encore homosexuelle, me semblait essentiel avant d’entrer dans le vif du sujet : faut-il créer un troisième sexe à l’état civil belge ? Après avoir compris que les hermaphrodites n’existaient pas plus que la théorie du genre, je me suis penchée sur l’aspect juridique de la question, en faisant un état des lieux de la situation en Belgique. Comment le droit belge aborde-t-il l’intersexuation ? Au regard de modèles étrangers tels que les législations allemande, française et maltaise, où en sommes-nous et quel avenir proposons-nous aux personnes intersexuées dans notre société dite tolérante, libre et inclusive ? Ceci n’est donc ni un rapport d’expert, ni un coup de gueule militant. Cette étude trahira parfois un regard naïf sur un monde que je découvre petit à petit, avec ses codes qui me semblent encore abscons et inaccessibles. En tout cas, les différentes réalités que j’ai découvertes ont bousculé certaines de mes certitudes tout en me permettant d’en affirmer d’autres, à ma grande surprise. Cette étude retranscrit la découverte d’identités multiples, complexes et expansives. Il n’y a pas de [lire la suite]


Un mur intérieur ?

Quand le manque de confiance en soi s’érige en frontière entre l’homme et son épanouissement personnel

Analyse n°327 de Marie-Sarah Delefosse - février 2018

Cette citation de Hobbes exprime l’idée qu’à l'état de nature – qui serait un état de guerre –, l’homme représenterait une menace pour sa propre espèce, il serait l’ennemi de tous les autres. Afin de contrer sa nature, il cède une part de sa liberté naturelle à un tiers, le Léviathan, qui assurera sa protection. Ce contrat permettrait aux hommes de vivre ensemble, d’être civilisés. Si nous suivons ce postulat (soumis à de vifs débats), nous serions en plein coeur de cette ère civilisée. Or, nous constatons aujourd’hui qu’en Occident, cette époque de paix va de pair avec une individualisation de notre société. En effet, dans une société où la population n’a plus à s’inquiéter de sa sécurité ou de sa survie, où les besoins primaires de la majorité sont satisfaits, les individus chercheraient alors à combler d’autres besoins, secondaires, notamment d’estime et de réalisation de soi. Dès lors, la question n’est plus tant : l'Homme est-il mauvais par nature ? Mais tend plutôt vers l'Homme ne serait-il pas son propre ennemi ? Ce questionnement nous éloigne du champ philosophique pour nous amener vers le domaine psychologique : le premier obstacle à l’épanouissement personnel et à la réalisation de soi ne serait-il pas l’individu lui-même ? C’est le postulat de nombreuses méthodes de développement personnel qui estiment que le premier mur à déconstruire est celui formé par les pensées ou croyances limitantes.1


L’aménagement du territoire à l’épreuve de la participation

Analyse n°326 de Naomi Berger - février 2018

Les experts disputent aux élus la prétention à prendre les décisions. Les citoyens élèvent la voix pour qu’elle porte jusqu’aux cénacles du pouvoir. Le tableau est classique dans nos démocraties représentatives, aujourd’hui coincées entre la technicité des matières et les revendications de la rue. Décrié, le politique se voit contraint et forcé de laisser davantage de place aux citoyens à la table des négociations. En gardant la main sur le frein à main, toutefois. Sous couvert de la complexité des dossiers, soupçonnés de réflexes égoïstes et d’indifférence, les citoyens sont maintenus à la marge. L’aménagement du territoire constitue un laboratoire intéressant, à la croisée des chemins entre le monopole décisionnel de l’édile des lieux, la complexité des enjeux et les attentes de ceux qui vivent sur ce territoire, le consomment autant qu’ils le façonnent. La participation publique en aménagement du territoire évolue avec son temps, sans être en avance. En Région bruxelloise, cette idée a été traduite par plusieurs dispositions. Jusqu’à aujourd’hui, la formule la plus aboutie a vu le jour avec l’émergence des Contrats de Quartiers durables. Impliquant directement les habitants dans l’aménagement de leur environnement proche, cet outil ouvre la voie vers une co-construction du territoire. Certains habitants restent pourtant sur leur faim. Si ces formules de participation ont le mérite d’exister, les habitants sont-ils réellement en mesure de se débarrasser de leurs costumes de figurants ?


Transition et simplicité volontaire

Une solution pour ceux qui n’ont pas d’option ?

Analyse n°325 de Dounia Tadli - janvier 2018

"Nous, on est dans l’involontaire…" nous dit la participante d’un atelier organisé par le CPCP, en réponse à la présentation d’initiatives dites de "simplicité volontaire". Si nous abordons cette thématique au sein de nos groupes d’éducation permanente, c’est qu’il nous semble que les mouvements de Transition1 sont susceptibles d’entrer en convergence avec ceux de lutte contre la pauvreté.2 Plusieurs similitudes entre ces deux mouvements méritent en effet d’être soulignées. Les objectifs, tout d’abord, sont comparables : expérimentation de nouvelles manières de vivre ensemble, respect de l’humain, société plus solidaire et plus juste, viabilité écologique… Les thématiques rencontrées sont donc aussi communes : énergie propre et bon marché, alimentation saine et équilibrée, lieu de vie convivial, etc. Et, de manière générale, les dynamiques mises en œuvre sont semblables par plusieurs aspects : valorisation des compétences de chacun, utilisation des ressources locales disponibles, importance des liens sociaux, convivialité, autonomie…3 Force est pourtant de constater que les mouvements en transition sont encore trop souvent assez homogènes socialement. Dans nos ateliers, des participants en situation de précarité dénoncent un manque d’ "hospitalité" au sein de ces groupes… La présente publication tentera d’expliquer ce manque de convergence, a priori surprenant, en procédant d’abord à une remise en contexte de ces mouvements distincts. Nous verrons de quelle manière la société consumériste a, d’une part, participé à la reproduction d’inégalités et, d’autre part, provoqué un rejet de la part de classes plus aisées et/ou cultivées. Ces dernières recourent à la simplicité volontaire en signe de protestation, mais elles l’utilisent aussi comme moyen de se distinguer socialement, ce qui peut expliquer l’inhospitalité de ces mouvements plutôt homogènes à l’égard des personnes qui subissent une sobriété involontaire.


La précarité énergétique

Un cercle vicieux ?

Analyse n°324 de Citoyenneté & Participation - janvier 2018

La précarité désigne un état d’incertitude qui découle d’une situation fragile pouvant basculer à tout moment. On peut être en précarité financière, en précarité de vie, en précarité énergétique… Bien que toutes les formes de précarités soient importantes, l’objet de cette publication se concentrera sur l’accès à l’énergie, qui constitue un droit fondamental. Cela touche beaucoup de monde et particulièrement les ménages à faible revenu pour qui le budget consacré à l’énergie augmente proportionnellement plus fortement par rapport aux autres.1 Cette situation a pour effet de provoquer des problèmes en cascade. Comme le soulignent Johan Tyszler, Cécile Bordier et Alexia Leseur, "une des premières conséquences de la précarité énergétique est de conduire un ménage à faire des arbitrages et des renoncements entre ses différents postes de dépenses : chauffage, alimentation, santé, loisirs, etc." 2 Avec des moyens limités, il faut donc effectuer des choix dans ses dépenses.3 Cela signifie, bien souvent, se contenter d’un logement de moindre qualité – avec toutes les conséquences que cela peut engendrer sur la santé 4 –, et donc souvent énergivore, ce qui entraîne, à son tour, des factures élevées. Ces factures grèvent encore les moyens financiers, et ainsi de suite. C’est à ce moment que l’on rentre dans ce que Bart Delbeke et Sandrine Meyer appellent "le cercle vicieux de la précarité énergétique : moins on a de moyens, moins on profite des programmes d’utilisation rationnelle de l’énergie et plus les besoins d’énergie sont élevés" 5. Or, dès qu’un ménage consacre plus de 10 % de ses revenus aux dépenses d’énergie dans son logement, il peut être considéré en état de précarité énergétique.


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