Plusieurs femmes militantes sont devenues figures emblématiques du mouvement anarca-féministe ; c’est le cas, entre autres, de Voltairine de Cleyre et de Emma Goldman qui ont grandement contribué à rependre les idées de l’anarchisme féministe au XXème siècle.
Voltairine de Cleyre, née en 1866 dans une famille ouvrière très pauvre du Michigan, a consacré sa vie à l’émaciation des individus, étantpersuadée que le savoir en était la clé. Elle fonde, en 1911, une école gratuite ouverte aux plus modestes, mixte, basée sur les principes d’égalité et d’entraide. Opposée au capitalisme galopant qui gagne les USA suite à la révolution industrielle, elle critique l’État qu’elle désigne comme un outil de la domination bourgeoise (Doazan, 2024). Voltairine de Cleyre estime que les femmes, en plus d’être exploitées en tant que travailleuses par le système capitaliste, sont esclaves de leur mariage car la double journée est le lot des femmes mariées qui doivent s’occuper des enfants, des tâches ménagères et de la reproduction, notamment en raison de l’absence de moyen de contraception. Voltairine de Cleyre déclare que « la terre est une prison, le lit conjugal est une cellule, les femmes sont les prisonnières, et vous, messieurs, vous en êtes les gardiens ! L’adultère et le viol planent librement » (Ibid). Pour elle, l’émancipation des femmes est une nécessité car la liberté totale de la société n’est pas possible sans égalité et sans justice pour tous.
Emma Goldman est issue d’une famille juive orthodoxe dans l’Empire russe en 1869. Maltraitée par son père qui la bat et qui l’empêche d’aller à l’école durant son adolescence, Goldman poursuit son éducation en autodidacte et commence à s’opposer à l’autorité face à la violence physique qu’elle observe dans sa famille et dans la rue (Goldman, 2018). Elle migre aux États-Unis en 1885, devient couturière et s’engage dans le mouvement social ouvrier par des rencontres socialistes et anarchistes. Goldman, anarchiste et féministe radicale, milite pour la contraception, la liberté sexuelle, l’égalité, les droits des femmes et des homosexuels et critique la conception traditionnelle de la famille ainsi que le puritanisme (Heiniger, 2023). Pour Emma Goldman, la participation aux élections n’est qu’une illusion qui masque les vraies structures dominantes de nos institutions et de notre système patriarcal. Elle n’est donc pas favorable au mouvement des Suffragettes qui lui est contemporain et qui cherche à obtenir le droit de vote pour les femmes : l’illusion du suffrage universel n’améliore ni les conditions de travail, ni la position des femmes dans la société, affirme Goldman, seule l’auto-émancipation pourra faire évoluer la société contre le patriarcat (Pottier, 2024).
Ces femmes ont influencé et même participé à des actions d’anarca-féminisme. Emma Goldman a séjourné dans un Madrid assiégé avec les révolutionnaires espagnoles durant la guerre civile. Elle a aidé et soutenu le mouvement des Mujeres Libres, une organisation libertaire féministe qui a pris part à la guerre d’Espagne et a continué son action durant la révolution sociale espagnole de 1936. Communauté autogérée et militante contre le mouvement franquiste, les Mujeres Libres prônent la fin du patriarcat en permettant aux femmes de s’alphabétiser, de se former professionnellement mais aussi politiquement, le tout en soutenant la lutte révolutionnaire et l’effort de guerre. (Yusta Rodrigo, 2020).
Aujourd’hui l’anarca-féminisme est porté par une nouvelle génération de penseuses comme Irène, Jo Freeman ou Peggy Kornegger, actives à travers des essais, des mobilisations, des manifestations, des rencontres internationales, des critiques et des revendications visant à renverser un système perçu comme patriarcal et autoritaire.