.
Accueil » Publications » Agir sur les violences institutionnelles à l’école

Agir sur les violences institutionnelles à l’école

La pédagogie Freinet avec ou sans modération ?

Analyse n°467 de Maïa Kaïss - novembre 2022


L’école est multiple, comme toutes les institutions nommées sous un même vocable ; elle n’existe pas sans la diversité qui la compose, la pédagogie, peu importe celle dont on parle, l’est aussi. Il y a des écoles et des pédagogies, des manières de faire, des instituteurs, des institutrices et des élèves. N’oublions pas que nommer c’est prendre le risque de se penser exhaustif. Pensons la nuance, accompagnons-nous d’elle dans la lecture de ce texte.
Qu’elle se considère ou non comme devant être bienveillante, l’institution scolaire, comme bon nombre d’institutions, n’échappe pas à certaines faiblesses. Elle génère, par essence, des comportements, parfois violents, qui, créés ou non par elle, peuvent la dépasser. Dans sa structure, son fonctionnement, son organisation, les mécanismes qu’elle induit etc. À titre d’exemple : l’école (induit ?) autorise, malgré elle sans doute, des attitudes discriminantes, stigmatisantes, insécurisantes, des actes de harcèlement ou encore d’exclusion 1. Des violences donc.
Qu’il s’agisse d’attitudes d’élèves envers d’autres élèves, de professeurs envers leurs élèves, l’inverse ou encore du haut de la hiérarchie sur le bas de la pyramide, ce qui est à intéressant est de saisir ces violences dans leur part "institutionnalisée". En effet, elles ont lieu dans le cadre scolaire et surtout c’est le fonctionnement même de l’école qui leur laisse de la place, voire les crée. D’ailleurs est-ce l’école qui autorise ces conduites, ou est-ce qu’elle les induit ? Existent-elles parce qu’elles sont invisibilisées, peu ou pas prises en compte, voire négligées ? Aussi, sont-elles généralisables à l’ensemble des institutions scolaires et des modèles pédagogiques ? Autant de questions que dans une société fortement scolarisée nous avons le droit de nous poser.
Cette brève analyse n’aura pas pour objectif de poser un constat définitif, ni exhaustif, ni même de répondre de façon arbitraire à ces quelques questions mais bien de lancer des pistes de sur ce en quoi l’école (dans certaines de ses méthodes pédagogiques) peut être considérée comme violente, et, dans un second temps et de façon plus spécifique de réfléchir à l’impact plus ou moins grand de certains des outils issus de la pédagogie Freinet sur ces dites violences.
Dans ce cadre nous nous intéresserons plus particulièrement aux violences symboliques. Celles que l’on ne considère, a priori, pas toujours comme des violences d’ailleurs. Celles qui, peu perceptibles, voire invisibles sont parfois niées, ou simplement pas nommées. Ni par l’agresseur, ni par l’agressé qui, par cette attitude, ne reconnaîtra d’ailleurs pas son statut de victime. Citons à titre d’exemple : la place assignée, le devoir auquel on n’échappe pas et les incidences de et dans la sphère privée 2, l’annonce à haute voix des résultats du dernier contrôle, ou encore la discontinuité entre les règles d’un professeur à l’autre. Les mots ici peuvent sembler forts, excessifs et c’est bien là la force de ce type de violences.
Inès 0/20, Nestor 3/20, mais quelle classe ! Qu’ai-je fait pour mériter ça ?
Il est évident que l’enfant ne rentrera pas abîmé par une balafre au visage, ou une série de noms d’oiseaux lui résonnant dans la tête jusqu’au retour à la maison. Non. Mais il s’agit bien d’un type de violence qui agit sur sa façon d’être, qui appuie sur ce qui, dans son for intérieur, au plus profond de lui, fait sens ou non, le bouscule plus ou moins fort.
Enfin, et en guise de conclusion nous tenterons de proposer quelques éléments, certes triviaux, auxquels il est nécessaire de rester attentifs pour ne pas alimenter le "monstre" : la machine institutionnelle et ses dérives.
La violence est au fondement même des relations humaines quand celles-ci ne sont pas assorties d’un regard réflexif, analytique et d’ordre plus méta. Nous considérons donc qu’il est indispensable, pour le professeur et son élève, de ne pas fermer les yeux quand cette machine institutionnelle nous fait face et de s’outiller pour ne pas oublier qu’elle existe.

Lire la suite de la publication


1 Van Honste C., La violence à l’école : De quoi parle-t-on ?, Analyse FAPEO novembre 2013 10/15, [en ligne :] https://www.fapeo.be/wp-content/uploads/2013/11/10-15-2013-La-violence-scolaire-de-quoi-parle-t-on.pdf, consulté le 22 août 2022.
2 Par exemple les familles qui n’ont pas les moyens ou le temps d’accompagner leurs enfants dans l’exercice des devoirs à la maison.


Maïa Kaïss est titulaire d’un master en Anthropologie sociale et culturelle (ULB) ainsi que d’une agrégation en sciences sociales (ULB). Elle travaille sur les questions liées aux thématiques Famille, Culture & Éducation et Citoyenneté & Participation, chez Citoyenneté & Participation.

Dernières publications
La décroissance comme nouvel horizon (?) de Citoyenneté & Participation

La décroissance - C'est "une belle connerie" ! de Karin Dubois

Low-tech - En chemin vers la robustesse de Anna Constantinidis

La décroissance a-t-elle essaimé en Belgique ? - Retour sur vingt années d'activisme de Edgar Gillet

Écoféminisme - À l'avant-garde d'une réflexion sur la décroissance ? de Citoyenneté & Participation

Décroissance et droit à l'alimentation - L'équation (im)possible ? de Louise Vanhèse


Consumérisme, psychologie et marges de manœuvre des consommateurs - Vers une consommation décroissante de Roxane Lejeune

Genre et masculinités de Axelle Durant

La décroissance - De l'utopie aux possibles de Boris Fronteddu