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Quitter la planète Mangécrado ? La mission est lancée !

Une nouvelle brochure du CPCP


Les enfants ne mangent pas assez de légumes ? Ils ne montrent un vif intérêt que pour le cola et les hamburgers ? Et si on parlait du lien entre malbouffe et performances cognitives des enfants ? Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 20.000 exemplaires de cette brochure, conçue à la fois pour les enfants et leurs parents, ont été offerts aux 228 écoles de devoirs de Bruxelles et de Wallonie !

C’était en 2017, à Dour dans un atelier d’éducation permanente ; des parents et des grands-parents bien informés des conséquences de la junkfood sur la santé physique et psychique des enfants ainsi que sur leurs capacités d’apprentissage ont décidé d’éveiller les consciences de nos marmots. Ce groupe de Dourois qui s’est donné le nom de "Parents indignés" s’est doté d’une ligne de conduite pour la campagne d’information qu’il avait envie de mettre en œuvre : "Parler aux enfants de ce qui est bon pour eux ne les intéresse pas, on doit leur expliquer à quel point ce qu’ils aiment peut leur nuire". C’est ainsi que tout a commencé…

Depuis, que s’est-il passé ? La brochure élaborée par les Parents indignés a bénéficié d’un subside de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour être distribuée dans les 228 écoles de devoirs en Wallonie et à Bruxelles. Une formidable reconnaissance pour ce travail collectif, construit autour d’une aspiration : protéger les enfants de maux physiques, mais aussi de troubles de l’apprentissage liés à une nourriture de mauvaise qualité.

Car, en effet, quel lien envisage-t-on habituellement entre la malbouffe et la santé ? Des problèmes de poids, voire de l’obésité. Pourtant, les liens dont nous voudrions parler ici sont bien plus pernicieux. C’est le cerveau de nos enfants qui est en danger et sans doute leurs chances de progresser au sein d’une société extrêmement compétitive. L’ascenseur social est en panne ? Si on n’ouvre pas davantage les yeux sur les effets d’une mauvaise alimentation, on ne risque pas de le voir redémarrer.

Qu’avons-nous appris ces dernières années en ce qui concerne la qualité de l’alimentation ?

  1. Qu’une nourriture trop riche en mauvaises graisses comme les acides gras saturés ou gras trans perturbe l'apprentissage et la mémoire à court et moyen terme. Cela nuit à notre intelligence.
  2. Que des additifs dans les aliments industriels provoquent des troubles de l’attention et des difficultés d’apprentissage.
  3. Que les pics de glycémie provoqués par le sucre raffiné et les baisses d’énergie qui suivent immédiatement sont à la source d’irritabilité et de manque de concentration.

Que dire encore des résultats édifiants révélés par le documentaire "Demain, tous crétins ? "1 mettant en exergue l’impact des perturbateurs endocriniens sur le quotient intellectuel qui baisse irrémédiablement. Ces perturbateurs sont présents dans des emballages alimentaires et les pesticides qui couvrent nos fruits et légumes.

Maintenant, avec le nouveau terrain de recherches que constituent les intestins, nous apprenons que la qualité de notre moral peut trouver son origine dans la qualité de ce que nous mangeons. Que notre premier cerveau peut être affecté par des molécules qui passent à travers les parois intestinales. Mais nous ne sommes qu’au début de ces recherches. Que vont-elles nous apprendre à l’avenir ?

La juxtaposition de toutes ces données nous amène à nous poser cette question : les enfants précarisés ont-ils les mêmes chances d’évolution intellectuelle que leurs pairs plus aisés ? Et à plus long terme, auront-ils la possibilité d’accéder à des postes-clés lors de leur parcours professionnel ou devront-ils s’incliner face à ceux qui auront eu accès à une nourriture plus saine dès leur plus jeune âge ?

Ce n’est sans doute pas une intention délibérée de la part des géants de l’agro-alimentaire, mais l’on ne peut qu’observer les faits et déplorer leurs conséquences sur les capacités cognitives des enfants.

C’est ce qui fait dire à un professeur de l’université du Massachusetts – Thomas Zoeller – qu’ "un jour viendra où on se retournera sur notre époque et on se demandera comment diable tout cela a pu arriver. D’un point de vue humain, c’est horrible. Il va falloir attendre que des générations d’enfants soient sacrifiées".2

Claude Lévi-Strauss expliquait : "Les biens qui sont bons à manger sont les biens qui sont bons à penser". Selon lui, ce que l’on mange montre bien notre culture d’appartenance. Ce que l’on mange est le résultat de conventions sociales qui nous ont été inculquées. Et on le sait, les personnes défavorisées mangeront davantage de produits industriels que celles, plus aisées, qui se dirigeront plus volontiers vers des produits frais.

Un article nous apprend que Pierre Bourdieu écrivait déjà dans La distinction que "les classes dites populaires ont plus tendance à favoriser des nourritures qui tiennent au corps, qui sont nourrissantes et caloriques alors que les classes plus aisées, qui ont un autre idéal de schéma corporel, auront tendance à privilégier des nourritures plus saines, plus diététiques ".3

Il y aurait deux raisons à cela : la première est économique (on s’en doute bien) ; la seconde est une question de niveau de diplôme. Selon le CREDOC (Centre français de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de vie), plus une personne est diplômée, plus elle a cette capacité à prendre du recul par rapport aux discours des grandes marques dans leurs campagnes publicitaires.

Et là, nous revenons aux conventions sociales de Lévi-Strauss : les grandes marques de confiture et de céréales (par exemple) ont réussi à faire de leurs produits des références culturelles, à persuader les classes populaires (à l’aide du matraquage publicitaire) que leurs produits étaient la voie royale pour un déjeuner de qualité. Elles ont réussi à construire une association imparable : le déjeuner, c’est commencer sa journée avec du sucre et du plaisir. Alors que nous savons pertinemment que le sucre est loin d’être idéal sur le plan diététique. Un yaourt et un fruit sont bien meilleurs pour nos intestins, notre santé en général et, on le sait maintenant, notre humeur !

Seulement voilà, nous consommons du discours… Et tant que nous consommerons les références culturelles que nous imposent les grandes marques, nous ne consommerons pas sainement. C’est aussi tout l’intérêt des ateliers en éducation permanente du CPCP : reconnecter l’Homme à une nourriture saine et bienfaisante, le rendre plus critique face au marketing, laisser l’industrie agro-alimentaire sur le bord de la route pour lui préférer les plats cuisinés à la maison, privilégier la santé physique et morale plutôt que le plaisir immédiat soutenu par le lobbying du sucre.

Il est plus que jamais essentiel d’offrir aux enfants issus de familles précarisées sur divers plans les mêmes chances de bien-être et d’évolution intellectuelle que leurs pairs issus de familles plus favorisées sur le plan financier et intellectuel.

Avec cette nouvelle brochure intitulée "Mission : quitter la planète Mangécrado ! ", le CPCP apporte sa pierre à l’édifice. À consommer sans modération ! 🙂


Plus d'infos sur cet outil :
Karin Dubois
- dubois@cpcp.be